Petites âneries en tout genre

Hier soir se tenait « le » débat tant attendu entre Jerôme Cahuzac et Jean-Luc Mélenchon dans l’émission de Y Calvi du stupide animal : Mot Croisé. A première vue c’est un peu le débat entre les frères ennemies que tout opposent : l’un est le produit des appareils politiques, et est passé par les cases traditionnelles du militants politique de la gauche non communiste des années 70-80, tendance lambertiste ; l’autre est médecin, rocardien, et est entré au Parti Socialiste grâce à son respectable vosin du Vème arrondissement, le professeur de droit public de Nanterre, Guy Carcassonne. Destins croisés, que le Vieux Alt, qui n’est et n’a été ni lambertiste ni rocardien et encore moins médecin, vous propose de regarder d’un peu plus près.

Le sens des mots 

J Cahuzac est aujourd’hui au coeur d’une « affaire », sur laquelle Alt, qui n’a jamais été Suisse, ne peut se prononcer. Ceci étant dit, le fait d’aller aux charbons était peut être un moyen pour lui d’être de retour dans une posture plus politique et moins polémique. Peu importe. En tout état de cause, ce débat, de qualité sur le fond, très pernicieux sur la forme, a tenu en haleine ce Vieux Alt qui n’était plus habitué à écouter de la vraie politique pendant plus d’une heure 15.

L’imagination n’est (plus) au pouvoir (bis repetita) ?

Pour Alt, la question n’est pas tant de discuter d’une orientation budgétaire générale qui semble désastreuse (des gens très bien le font ici http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/?p=1602 par exemple) ou de disserter sur les causes de la crise (ibid : A la source de la crise : la baisse de la part salariale) que de souligner combien Jérôme Cahuzac, malgré toutes les bonnes volontés du monde reste cantonné dans le rôle dans lequel il s’est auto-légitimé, celui du bon député « techno », dans le sens péjoratif du terme, qui ne questionne, et ne questionnera jamais les éléments qui lui apparaissent comme « des évidences ». On peut ainsi souligner des phrases d’une terrible vacuité politique, mais ô combien révélatrices des blocages psychologiques en oeuvre chez ceux qui n’osent plus dire non à un système dont on mesure pourtant plus que jamais l’iniquité :

Toute mesure d’ajustement budgétaire a une conséquence  de nature récessive, je le conteste évidemment pas. Et si nous avons fait davantage de choc fiscal que de choc d’économie dans la dépense c’est parce que, sur le court terme, on pense que cette disposition là, ce mélange entre l’économie dans la dépense et  la fiscalité, est moins récessive que ne serait l’inverse. Sur le long terme et le moyen terme en revanche nous pensons que c’est l’inverse  ; nous pensons qu’il vaut mieux faire des économies dans la dépense que d’augmenter les impôts. C’est la raison pour laquelle on augmente les impôts d’abord tout en faisant des économies puis progressivement nous ferons de plus en plus d’économie dans la dépense.  (…)

 et plus loin :

On a une divergence pour un certain nombre de raisons qui me tiennent à coeur (…) Malheureusement pour financer la dette il faut emprunter et aller sur les marchés financiers, je dis bien malheureusement(…) » (s’en suit une longue tirade sur l’Europe qui « impose tout » dont le Vieux Alt se fait grâce pour éviter les affres de la retranscription)

On signale que les cendres de Keynes dispersée dans sa dernière demeure du Sussex ont pris la forme d’un fantôme hier soir hurlant « Cahuzac Cahuzac »

Ces deux citations (ok extraites de leur contexte et tutti frutti) illustrent :

-l’absence totale d’une pensée de politique économique dans l’esprit de Jérôme Cahuzac. En effet être médecin (sans haine aucune de cette profession en soit), ne jamais avoir réellement milité dans une organisation politique (au sens aller sur le terrain, se confronter à la réalité) et n’avoir pour formation politique « que » l’exercice technocratique de la commission des finances de l’Assemblée ca donne… çà. Un mélange d’imbécilités proférées sur le ton de la vérité absolue. Evidemment que tout ajustement budgétaire (à la baisse, sic) a un effet récessif. Cependant deux questions restent en suspend: a) où sont faites les réductions budgétaires b) le coef mutliplicateur est-il supérieur à 1? En somme toute réduction budgétaire par effet macro va fragiliser les plus modestes et les salariés. Mais vont-ils être frappés deux fois (par exemple diminution des minimas sociaux et effet récessif) ou « une seule fois » (effet récessif avec par exemple des diminutions dans certaines dépenses peu socialement productives). Notons à titre d’anecdote (re-sic), qu’une substitution et une orientation du crédit public d’un secteur à l’autre permet aussi, à budget constant, de mieux allouer socialement les ressources (mais bon bref passons). Cependant, et comble de l’ironie, le Chief Economist du FMI (Olivier pour les intimes) l’a reconnu aujourd’hui : ce coefficient est  élevé en ce moment et amplifie la crise. Et puis un effet négatif sur la croissance, passe encore (façon de parler) quand celle-ci est au rendez-vous, mais quand la réduction aussi juste soit elle entraine le passage de la stagnation à la récession, ca augmente le déficit, et ce, quelque soit la valeur du coefficient, par simple mécanisme social : qui dit chômage dit allocations chômage et baisses des rentrées fiscales. On a encore un semblant d’Etat social dans ce pays, réjouissons nous que quand l’activité diminue, les dépenses augmentent…

-si malheureusement, comme le dit Cahuzac, on est obligé de se financer sur les marchés secondaires, alors peut être que la priorité devrait être de modifier la règle du jeu non ? Si Hollande avait dit « je vais autoriser les banques centrales à prêter directement aux Etats » (notons à ce titre la bourde de Cahuzac sur le lien entre indépendance des banques et opérations de monétisation), alors que peut-être, le temps que la situation évolue on aurait pu accepter que, temporairement, on se plie un peu aux exigences des « marchés » (et encore, rien n’est moins sur, parce qu’une telle annonce rend nécessaire sa réalisation la plus rapide possible et pour éviter tout dérapage de ces dits marchés). Mais non non on reconnait que la règle est stupide et bloque la réalisation de notre programme (et c’est vrai) alors NE CHANGEONS PAS LA RÈGLE. En fait Jérôme Cahuzac c’est un shadoks trotskiste.

Enfin on notera que Jérôme Cahuzac a mal compris comment on fait pour faire des politiques contra-cyclique. Hé ! Jérôme en période de croissance TU AUGMENTES LES IMPOTS ET TU UTILISES L’OUTILS MONÉTAIRE POUR LIMITER L’INFLATION (POLICY MIXT), PÉRIODE DE CRISE TU DIMINUES L’IMPOSITION (AU MOINS LA TVA) ET TU RELACHES LES TAUX D’INTERETS. Putain, le Vieux Alt se fache (la dernière fois il en a étranglé quelqu’un) mais là c’est l’inverse que tu fais ! L’auteur de Lire le Capital et de Pour Marx en est réduit à enseigner la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de façon sommaire à un socialiste. Ironie de l’histoire, où comme le disent les chinois de Chine, Puisses tu vivre une époque intéressante.